In Memoriam, Peter Spufford (1934-2017)

Notre collègue et ami Peter Spufford nous a quittés le 18 novembre 2017, dans sa quatre-vingt-troisième année. Il était trop tard pour évoquer sa mémoire dans le Bulletin de décembre, aussi cet In Memoriam a-t-il été retardé de quelques mois, mais je tenais tout particulièrement à rendre un hommage à un grand savant que je n’ai malheureusement connu que sur le tard.

Historien de réputation mondiale, auteur de nombreux ouvrages dont son classique Power and Profit, traduit en quatre langues, Peter s’était spécialisé dans l’économie médiévale. Élu fellow du Queen’s College à Cambridge en 1979, il y fut d’abord lecturer (1979-1990), puis reader en histoire économique de 1990 à 2001, avant d’occuper la chaire d’Histoire européenne en 2000/2001 et ce jusqu’à son accession à l’éméritat l’année suivante. Membre de la Royal Historical Society en 1968, fellow de la Society of Antiquaries of London (1990), il fut élu en 1994 à la prestigieuse British Academy. En 2017, l’année de son décès, certains de ses collègues lui firent l’hommage d’un volume de Mélanges (M. Allen & N. Mayhew, Money and its use in Medieval Europe : three decades on Essays in Honour of Professor Peter Spufford, Londres, RNS Spec. Publ. 52).

Homme affable, polyglotte et parlant un français presque sans accent, c’était toujours pour moi un immense plaisir de le revoir. Nous évoquions alors nos amis communs, comme Philip Grierson, qui a enseigné au même moment dans la même université de Cambridge. Peter, doué d’une mémoire étonnante, n’était jamais avare d’anecdotes. Par exemple lorsqu’il était… livreur de pizza !

Notre dernière rencontre date de décembre 2016. Il avait été invité en tant que conférencier lors de la bourse annuelle du Cercle numismatique d’Herentals (il avait d’ailleurs profité de cette occasion pour payer son abonnement au CEN, puisqu’il en était membre). Après sa conférence, nous nous étions installés à une table de la buvette, pour parler de choses et d’autres, tournant autour de la numismatique médiévale et des numismates. Mais pas seulement… Il m’avait alors raconté un souvenir de jeunesse qui mérite de passer à la postérité.

Grand amateur de livres ‒ Peter avait une bibliothèque personnelle considérable ‒ il avait été invité, jeune étudiant, chez un de ses professeurs de Cambridge. La maison de celui-ci était remplie de bouquins, du sol au plafond, sur les tables, les chaises, le plancher. Peter avait été fort impressionné par tant de science imprimée, et avait félicité son mentor pour cette accumulation. Le professeur lui avoua qu’il avait effectivement beaucoup de livres. Trop de livres, sans doute. Ainsi, venait-il de perdre un parapluie dans son capharnaüm. Devant l’étonnement (très relatif) de Peter, et après une petite pose afin de bien faire sentir l’importance du fait, le professeur ajouta : « oui, mais le plus étonnant… c’est que ce parapluie était ouvert ! ». No comment !

Son épouse Margaret, une universitaire de haut niveau, spécialiste de l’histoire des XVIe et XVIIe s., membre également de la British Academy et récemment honorée d’un volume de mélanges, disparut en 2014, après une longue maladie qui la laissa lourdement handicapée sans pour autant qu’elle ne cesse la recherche. Leur fille Bridget (1967-1989) fut elle aussi atteinte par une grave maladie, celle-ci d’origine génétique. À son décès, une fondation fut créée par ses parents afin de construire un hébergement pour des étudiants lourdement handicapés : ce fut la naissance du Bridget Hostel à Cambridge, qui ferma ses portes en 2003, après douze années d’existence.

Une autre facette d’un couple hors du commun, qui mérite toute notre sympathie.

  1. Origins of the English Parliament, Londres, 1967.
  2. Monetary problems and policies in the Burgundian Netherlands 1433-1496, Leyde, 1970.
  3. Handbook of medieval exchange, Londres, 1986.
  4. Money and its use in Medieval Europe, Cambridge, 1988.
  5. Power and profit : the hidden world of the merchant in Medieval Europe, Londres – New York, 2002 (traduit en allemand, italien, suédois et hongrois).
  6. From Antwerp and Amsterdam to London : the decline of financial centres in Europe, 2005 (en ligne).